Accueil Fiction 5 pintes et quelques Jack’s à la Crosse + une nuit au poste.

5 pintes et quelques Jack’s à la Crosse + une nuit au poste.

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Depuis mon aventure avec l’escalier d’honneur du Musée des Beaux-Arts je me suis accroché à mes informateurs (qui me coûtent une fortune en tirages cathédrales jet d’encre sur papier Epson ++Hight quality 330g), accroché donc comme un morpion là où savez. Mon raisonnement, tranchant comme une lame de Tolède et droit comme le mètre étalon, me conduisant à supputer d’autres caches secrètes derrière les monuments de Rouen, il fallait que j’en ai le cœur net.

Malgré des offres alléchantes augmentant à chaque heure, malgré mes flots de questions et de supplications  sur snap, insta, FB, télégram, minitel rose et gris et même en morse, aucun ne voulait lâcher la moindre info. Il a fallu que je sorte le grand jeu en proposant de céder mes droits sur mes montages cathédrales pour 99 ans pour tous les pays y compris la Chine (qui m’aurait copié un jour ou l’autre) et la Corée du Nord (et là je me marre en imaginant Kim Zouzou découvrant un montage de la Cathé sur la lune et ordonnant un tir des missiles en représailles!). Au final on me donne rendez-vous au terrain de pétanque du jardin de l’Hôtel de Ville, minuit, seul, sans téléphone ni appareil photo mais avec ma carte bancaire.

Sans appareil photo c’est mal me connaître. J’ai fait l’acquisition l’année dernière sur le dark-web d’une paire de lunettes avec APN intégré. Suffit que je me gratte derrière l’oreille et paf! 10 clichés d’un coup, du classique cliché couleur à l’infra rouge en passant par la 3D et une version dont je n’ai pas compris l’utilité ou l’usage qui se nomme « contours déchirés »? C’est donc équipé que je me rends à mon rendez-vous. Mon informateur, propre sur lui, fonctionnaire je vous dirais pas où et un peu nerveux commence d’emblée par me demander le contrat de cession de mes droits et c’est avec le sentiment de cher payer l’info, quelle qu’elle fût et quelque soit l’endroit ou l’on doit me conduire que je lui tend. Je dis endroit mais en fait je ne sais rien de la nature de la soi-disant révélation qui coûte l’héritage de mes filles.

Ayant fini de parcourir le contrat mon informateur nous met en route vers le Drugstore. - »On va loin? » demandais-je, non, me dit-il, on est presque arrivé. Arrivé? Je ne vois aucun monument notable rue de l’Hôpital, juste quelques façades et portes remarquables et une fontaine ou coule Gaalor. J’avais imaginé une possible entrée secrète au Palais de Justice, un souterrain sous l’Hôtel de Bourgtheroulde, un deuxième ascenseur dissimulé à la Tour des Archives, une conduite élargie pour accéder aux entrailles de la fontaine Sainte-Marie, que sais-je encore… Interrompant mes pensées mon guide me demande de m’arrêter et de me retourner, ce que je fais, les lunettes au bout du bras, déclenchant au pif tout en contemplant la vitrine de la pharmacie. Quelques instant plus tard il me dit de le suivre, je me retourne et là je prends un coup à l’estomac! La fontaine de la Crosse est ouverte, je vois la lumière qui en monte ainsi que des bruits de conversations et des éclats de rires. Incroyable! Mon guide me presse d’enjamber le bac de la fontaine heureusement à sec et de descendre rapidement par l’échelle posée là. Je m’exécute tout en voyant du coin de l’œil ce qui ressemble fort à une taverne avec étage remplie de monde! (et en me demandant comment font les dames avec leurs talons et leurs jupes pour descendre? Mais bon j’en connais quelques unes qui ramperaient dans la boue pour un verre de rosé, alors l’échelle hein!). Derrière moi la fontaine se referme comme une huitre.

Une fois en bas, un peu remis de ma surprise, je constate que ça boit, ça fume -ah! cool on peut fumer-, que ça discute à toutes les tables et qu’au bar les silencieux de service qui sont là pour se murger éclusent verre après verre. Un vrai bar quoi! Mon guide s’est volatilisé, aucune importance, je suis « the place to be ».

Des têtes me sont familières, mon dentiste adjoint au maire, le notaire de mon troisième divorce, deux artistes que je connais bien, François D. et Olivier C. attablés devant bon nombre de pintes vides et un dessin de Léonard De Vinci. La discussion a l’air sérieuse. Je m’enfonce dans la salle et j’aperçois Arno P. acteur (et mon voisin du 3ème dans l’immeuble), engagé dans un monologue théâtral qui a l’air de subjuguer son auditoire; je le connais assez pour savoir qu’il est surtout là pour draguer. 2 tables plus loin je vois Argatti qui bien sûr est toujours dans les bons plans pour placer ses croutes.

J’avance encore et là surprise, le Maire himself en personne devant un perrier citron et entouré de ses fans/femmes habituelles, accrochées à ses lèvres comme un harpon à une baleine, je déclenche mes lunettes. Plus loin encore autre surprise, Marie Andrée Maleville adjointe à la culture lancée apparemment dans un grand récit épique. Je m’approche, me gratte derrière l’oreille pour immortaliser la chose et j’écoute. Il est question dans son récit de l’époque où elle tenait la minuscule galerie MAM rue Damiette et de ses exploits pour tirer partie de la manne financière allouée à la culture. Perso je me souviens bien de cette période. Juste avant qu’elle n’ouvre je lui avait fait part de la création par moi-même et une amie d’une galerie sans porte, juste des vitrines, située rue Eugène Boudin, derrière le Palais de Justice, la Galerie MA-MA qui ne vécut qu’une année. Ce nom l’avait fait tiquer car trop ressemblant au nom de sa propre galerie. Je la laisse à ses exploits et m’installe au bar entre deux costauds que je reconnais comme étant de la BAC avec la ferme intention de fêter la découverte de cet endroit en plein confinement et couvre-feu. Je me réjouis d’avance sans les avoir vues des photos faites avec mes lunettes; Sans doute des montages possibles en pagaille et des moyens de pression pour faire avancer mes démarches administratives..

La vraie pagaille c’est plus tard, vers 4h30 qu’elle s’est tenue lorsque la nationale m’a interpelé rue des 2 anges (ce que je foutais là j’en sais rien) largement éméché et sans papier car j’avais poussé un peu loin les consignes de mon informateur. Il me fut demandé ce que je faisais là en plein couvre-feu, la bouche pâteuse je fis état de mon statut de journaliste en reportage, un brigadier me demanda ma carte, je répondis qu’il n’était nul besoin d’avoir une carte pour être journaliste, il répondit « c’est nouveau ça vient de sortir », je bafouillais mes relations haut-placées, le ton monta, puis monta encore et c’est menotté que j’atterris à Brisout pour finir ma nuit au sous-sol dans une cellule qui sentait la pisse. On me libéra au petit matin. J’avais un métro Boulingrin qui tournait en rond dans ma tête et une envie de gerber permanente qui me fit rentrer à pied de peur de saloper un taxi ou bus. J’avais eu assez d’ennuis comme ça pour pas en rajouter.

Dans ma poche je triturais mes lunettes cassées dans l’altercation nocturne en priant Sainte Lucie pour que mes photos soient intactes. Mais Sainte Lucie avait mieux à faire que s’occuper de mes lunettes ou était confinée, ou pionçait car de photos j’en sauvais juste une, celle que vous avez ci-dessous. Adieu mes montages et moyens de pressions, j’étais comme le Roi nu d’Andersen et j’appréhendais de consulter mon compte bancaire pour connaître l’addition de la nuit.

Dans l’après-midi, chargé de 2 dafalgan 1000, je retournais rue des 2 anges pour tenter de comprendre la raison de ma déambulation nocturne. Je poussais même dans le prolongement jusqu’au haut de l’impasse des Flandres mais que dalle, rien qui m’évoque quoi que ce soit. J’en conclus à un fantasme religieux  sans doute généré par l’abus de Jack Daniel’s que je jurais d’arrêter…

Au moins 3 jours…

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